Aller au contenu

Les normes de la formation

  • CLP 

Lorsqu’on lit les documents ecclésiaux officiels sur la formation à la musique sacrée, on ne peut qu’éprouver de la surprise, et l’on se pose inévitablement la question : où et quand ces textes sont ils observés ?

La formation a généralement disparu des séminaires depuis les années soixante. La formation des chefs de chœur est la plupart du temps coûteuse, ce qui dissuade la plupart des bénévoles. Quand à la formation des « animateurs liturgiques », elle ne promeut jamais l’héritage des siècles, éduque rarement les voix, et inculque une gestuelle de direction sans fondements.

Pour apprécier la situation, il suffit de lire les textes officiels. On y voit que loin d’être éloigné de la musique sacrée, le prêtre peut y participer en tant qu’acteur de premier rang. On objecte souvent qu’aujourd’hui la crise des vocations est un empêchement à la pratique de la musique par les prêtres, qui n’en ont plus le temps. C’est vrai, mais lorsqu’on considère que la plupart des curés de paroisse exercent un poids considérable sur la musique sacrée malgré de criantes lacunes en la matière, on voit bien qu’il est dangereux pour la liturgie paroissiale, et parfois diocésaine, de faire l’économie d’une formation de base destinée au clergé.

S’en détourner au prétexte que « ce qui est officiel est décalé par rapport au terrain », c’est promouvoir l’inobservance de ce qui normalement construit l’Eglise. C’est oublier que c’est le terrain qui est décalé, et non l’inverse.

De l' »Instructio de sacrorum alumnorum liturgica institutione »,
de la Sacrée Congrégation des Séminaires, 25 décembre 1965

Chapître III : Formation liturgique pratique – Article II : Formation à la musique sacrée

51. « Le Chant sacré, uni aux paroles, est partie nécessaire et intégrante de la liturgie solennelle » (Const. Lit. art. 112). Son étude n’est donc pas une vaine recherche du beau, car toute formation liturgique qui néglige le chant sacré est inévitablement imparfaite. C’est pourquoi « il faut tenir en grande estime la pratique de la musique dans les séminaires, et dans les noviciats masculins et féminins…, qu’on ait soin de préparer des maîtres destinés à l’enseignement de la musique sacrée pour pouvoir donner cette formation » (Const. Lit. art. 115).

52. La musique sacrée doit être comptée parmi les matières nécessaires pour les aspirants au sacerdoce ; qu’elle soit enseignée dès les premières années jusqu’à la fin des études théologiques, pendant un temps convenable et selon des méthodes adaptées. Les élèves devront subir tous les ans des examens de musique sacrée, tout comme dans les autres matières. Que chaque séminaire ait donc un professeur compétent de musique sacrée, qui devra, de plein droit, faire partie du Conseil des Professeurs.

53. Tous les aspirants au sacerdoce devront connaître suffisament les mélodies grégoriennes, surtout les plus usuelles. Leur pratique fréquente permettra aux élèves de savoir par cœur les chants de l’Ordinaire de la messe, les plus simples commes les plus ornés, que les fidèles chantent communément.

54. Qu’on leur enseigne les principes de la direction d’un choeur, pour qu’ils soient capables à leur tour de diriger au moins les chants du Kyriale et la psalmodie, et aussi les chants populaires.

55. Les élèves devront connaître également les autres genres musicaux. Qu’ils soient instruits dans l’éxécution du chant populaire authentiquement religieux, non seulement contemporain, mais aussi transmis par la tradition orale.

56. Qu’on institue une « schola cantorum », si elle n’existe pas encore, dans chaque séminaire, dirigée par un vrai expert, et qu’elle suive les normes de la musique sacrée.

57. Les étudiants qui possèdent déjà une certaine pratique du jeu de l’orgue devront continuer avec application cette étude au séminaire, et on devra les aider de toutes manières. Ceux qui sont plus doués encore seront envoyés à la fin de leurs études dans les Instituts supérieurs de musique, en vue de compléter leur formation.

58. Qu’on veille à assurer au séminaire un nombre suffisant de pianos et d’harmoniums pour permettre aux élèves de s’exercer convenablement. De même, pour une exécution plus parfaite et plus facile des chants liturgiques, que les séminaristes aient à leur disposition tout ce qu’il leur faut : bandes magnétiques, disques, etc…

Note : le fait que les séminaristes soient généralement tous dotés de moyens personnels pour écouter de la musique ne doit pas pour autant justifier l’absence d’un fonds documentaire au sein du séminaire. Il sera constitué par les principaux types de musique, interprétés par des musiciens réputés pour leur sérieux et leur fidélité au genre qu’ils interprètent, représentant tous les styles relevant de la culture du pays et tous les styles relevant de la pratique ecclésiale à travers toutes les époques. Mais il est bon aussi que l’on dispose de quelques exemples des recherches menées par les musicologues (reconstitutions), de chant sacré d’autres religions chrétiennes (orthodoxes, coptes, maronites, etc) et même non chrétiennes, et d’exemples de compositions modernes à condition que leur valeur soit reconnue dans les Conservatoires. Le fonds ainsi constitué doit servir de référence pour les séminaristes qui s’initient à la musique, au même titre que la bibliothèque du séminaire.

59. La diction du prêtre à l’église – à la prière, en chaire, dans les lectures – doit être claire, nette et agréable. C’est un facteur très important du culte. Aussi, l’enseignement musical sera complété par quelque cours spécial de prononciation et de diction, sous la direction d’un maître réellement compétent en la matière.

De la constitution sur la liturgie « Sacrosanctum Concilium »,
du Concile de Vatican II, du 4 décembre 1964

115. (La formation musicale)
On accordera une grande importance à l’enseignement et à la pratique de la musique dans les séminaires, les noviciats de religieux des deux sexes et leurs maisons d’études, et aussi dans les autres institutions et écoles catholiques ; pour assurer cette éducation, les maîtres seront formés avec soin.
On recommande en outre d’ériger, là où c’est opportun, des instituts supérieurs de musique sacrée.
Aux musiciens et aux chanteurs, surtout aux enfants, on donnera aussi une authentique formation liturgique.

Note : on cherche vainement aujourd’hui cette formation musicale dans les écoles catholiques. On préfère instaurer des « ateliers d’éveil », des « animations »… autant de temps qui serait bien plus profitable s’il servait à enseigner la musique sacrée, et qui répondrait enfin à cette attente de l’église.

127. (La formation des artistes)
Les évêques, par eux-mêmes ou par des prêtres capables, doués de compétences et d’amour de l’art, s’occuperont des artistes pour les imprégner de l’esprit de l’art sacré et de la liturgie.
De plus on recommande la création d’écoles ou d’académies d’art sacré pour la formation des artistes dans les régions où on les jugera bon.
(…)

129. (La formation artistique des clercs)
Les clercs, pendant le cours de leurs études philosophiques et théologiques, seront instruits aussi de l’histoire et de l’évolution de l’art sacré, ainsi que des sains principes sur lesquels doivent se fonder les oeuvres d’art sacré, afin qu’ils apprécient et conservent les monuments vénérables de l’Eglise, et qu’ils soient capables de donner des conseils appropriés aux artistes dans la réalisation de leurs oeuvres.

Du motu proprio sur la musique sacrée « Tra le sollecitudini »
donné par le pape St-Pie X le 22 novembre 1903

26. Dans les leçons ordinaires de liturgie, de morale, de droit canon données aux élèves en téhologie, qu’on ne néglige pas de traiter les points qui regardent plus particulièrement les principes et les lois de la musique sacrée, et qu’on cherche à en perfectionner la doctrine par des détails particuliers touchant l’esthétique de l’art sacré afin que les clercs ne quittent pas le Séminaire dépourvus de toutes ces notions, nécessaires aussi à la parfaite culture ecclésiastique.

27. Qu’on ait soin de rétablir, au moins dans les églises principales, les anciennes Scholæ Cantorum ; cela s’est réalisé déjà, avec les meilleurs fruits, dans bon nombre d’endroits. Il n’est pas difficile au clergé zélé d’établir ces Scholae jusque dans les moindres églises et dans celle de la campagne ; il y trouve même un moyen très aisé pour grouper autour de lui les enfants et les adultes, pour leur propre profit et l’édification du peuple.

Note : le fait est qu’aujourd’hui l’argument « il n’est pas difficile au clergé zélé d’établir ces Scholæ » ne tient plus. Bien au contraire, faire subsister une chorale est aujourd’hui d’une difficulté totalement inimaginable à l’époque de Pie X. Cela vient du fait que l’on a introduit, notamment dans les pays francophones, des « musiquettes » catastrophiques et incapables d’attirer les jeunes générations, et parce qu’également on a tout fait pour que la formation à la musique sacrée véritable disparaisse complètement. Depuis lors, il est effectivement devenu impossible de maintenir des chorales dans les petites paroisses. Si ce mal n’avait pas été commis, sans aucun doute cet article 27 serait encore aujourd’hui tout à fait applicable.

28. Qu’on ait soin de soutenir et favoriser le mieux possible les écoles supérieures de musique sacrée là où elles existent déjà, de concourir à les fonder là où il ne s’en trouve pas encore. Il est extrêment important que l’Eglise veille elle-même à l’instruction des ses maîtres de chapelle, de ses organistes,et de ses chantres, suivant les vrais principes de l’art sacré.

Note 1 : il est bien dit ici que « là où il ne s’en trouve pas encore » il faut créer des écoles de musique sacrée. Pour aujourd’hui, il faudrait plutôt dire : « là où on les a fermées, il faut les rouvrir »… Il n’est pas nécessaire pour celà d’aménager des bâtiments : l’« école » peut retrouver une existence selon la méthode des grecs anciens : être à l’école de… Il suffit donc d’instituer un réseau officiel de professeurs de musique liturgique, donnant leurs cours directement dans les églises paroissiales, en utilisant leurs locaux et leurs orgues. C’est simple, il suffit de le vouloir. Force est de constater qu’il y a ici une lacune immense.

Note 2 : les musiciens ne doivent pas oublier que la musique sacrée est mue par des principes que les filières pédagogiques laïques ne peuvent qu’ignorer. Globalement il s’agit de ne pas perdre de vue que la musique sacrée est un dialogue avec Dieu. De ce fait, tandis que les musiciens profanes ont bien le droit de faire valoir, à traver leurs exécutions, leurs qualités et leur savoir-faire, en revanche les musiciens d’église ne doivent jamais attirer l’attention sur eux pendant les cérémonies religieuses. La démonstration de virtuosité, bienvenue dans un spectacle ou un concert profane, n’a strictement rien à faire dans la liturgie. Interpréter de très belles oeuvres sans se mettre en valeur soi-même, c’est une chose qui ne peut s’apprendre qu’avec des professeurs de chant et de musique formés et expérimentés selon la spiritualité de l’Eglise.
Enfin il ne faut pas oublier que les meilleures techniques vocales liées au Chant Sacré sont si profondément ancrées dans les usages religieux et spirituels, que leur enseignement ne peut être correctement dispensé que par des pédagogues ayant simultanément une solide expérience mais aussi une vrai foi. C’est spécialement le cas pour le chant grégorien, la psalmodie et les faux-bourdons. Mais devrait se vérifier aussi dans toutes les autres formes de musique intérprétées dans le cadre de la liturgie.