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Triduum pascal – le Gloria

Le Gloria du Jeudi saint et de la Vigile pascale est, liturgiquement, un point de transition entre deux ambiances totalement opposées, en plein dans le déroulement d’une messe, ce qui est une exception liturgique. Cette transition est même clairement abrupte, afin de marquer les esprits.

Le Jeudi saint, l’organiste donne le ton au prêtre, qui, comme toujours entonne le Gloria a cappella. Selon une tradition dont les origines sont mal connues, au lieu que le chœur poursuive avec « Et in terra (…) » l’organiste se met à jouer un court interlude d’une vingtaine de secondes avec une registration puissante (plein jeu ou tutti), pendant qu’au chœur on sonne un ou plusieurs carillons, et qu’on sonne les cloches à la volée. Suite à quoi l’orgue et les cloches se taisent jusqu’au Gloria de la Vigile Pascale.

La suite dépend de la forme liturgique :

  • dans la forme extraordinaire, l’organiste procède comme d’habitude : il donne le ton au prêtre pour qu’il entonne le Gloria (à priori l’ordinaire du jour est la Messe IV) ; une fois que le prêtre a entonné il lit la suite dans le Missel pendant que l’orgue et les cloches résonnent avec puissance. Pour cela l’organiste utilise une registration en plein-jeu, voire en tutti. Il termine en donnant le ton pour « Et in terra pax hominibus » avec une jeu doux, puis il ferme l’orgue sans attendre.
  • dans la forme ordinaire le prêtre et les fidèles chantent toujours le Gloria ensemble. Comme les rubriques en traitent pas la question du jeu de l’orgue et des cloches, le seul principe dont on peut s’inspirer est celui de la tradition, en l’adaptant de la sorte :
    – l’organiste commence son improvisation pendant qu’on sonne le carillon et les cloches. Au bout d’une vingtaine de seconde l’organiste termine dans le ton de « Et in terra pax hominibus » du Gloria IV en donnant la note aux chanteurs, puis il ferme l’orgue.
    Concernant le carillon et les cloches, l’adaptation semble ouverte à trois solutions opposées :
    – 1) si on considère prioritairement qu’ils accompagnent le chant du prêtre, alors comme celui-ci chante avec les fidèles, le carillon et les cloches devraient sonner pendant tout le Gloria. Au plan pratique il faut veiller à ce que les sonneries n’empêchent pas la bonne audition des paroles du Gloria, particulièrement dans les petites églises, auquel cas on devrait arrêter la sonnerie au clocher et/ou éloigner le carillon. A propos de ce dernier, on n’exigera pas d’un jeune servant qu’il l’agite vigoureusement, à la volée, pendant tout le Gloria, car l’enfant aura inévitablement mal aux doigts en arrivant au milieu du Gloria ; on attendra plutôt de lui qu’il produise un tintement continu, qui sera suffisamment audible.
    – 2) si on considère qu’après l’interlude de l’orgue celui-ci doit poursuivre l’accompagnement pendant tout le Gloria, mais que le carillon et les cloches doivent s’arrêter, on se retrouve dans le type d’exécution courante du Gloria, ce qui est, pour le Jeudi Saint, une solution hybride qui ne satisfait ni la tradition ni la réforme.
    – 3) si on considère prioritairement que le carillon et les cloches ne doivent sonner que pendant l’interlude de l’orgue, malgré le fait que le prêtre continue de chanter, alors celui-ci et les fidèles poursuivront à cappella. Cette solution semble la plus conforme à l’esprit de la réforme liturgique.

Il est aussi de tradition que l’organiste quitte sa fonction dès qu’il a fini de jouer. S’il suit l’usage traditionnel, une bonne manière de procéder pourrait se dérouler ainsi : après avoir fini de jouer l’interlude, il se lève, se tourne vers l’autel, et chante le gloria comme les autres fidèles. Le chant du Gloria étant terminé, il ferme l’orgue et va se placer parmi les fidèles, se dépouillant ainsi de sa fonction et de ses prérogatives.

Il semble que cet usage fut connu des organistes jusqu’aux années 1980, il ne serait pas inutile, au plan spirituel, qu’ils l’observent à nouveau. Mais dans la forme ordinaire, il se peut qu’aujourd’hui l’arrêt du jeu de l’organise ne soit ni pratiqué ni compris.

A la Vigile pascale, le Gloria est le moment où les instruments sortent du mutisme. L’organiste donne discrètement au prêtre le ton du Gloria de la Messe I, le prêtre entonne a cappella tandis qu’on rétablit l’éclairage complet de l’église et que les servants commencent à parer l’autel, puis l’organiste improvise pendant une vingtaine de secondes comme il l’a fait le Jeudi Saint, alors que le carillon et les cloches sonnent dans le même temps. Puis il accompagne le reste du Gloria si possible dans un style festif, laissant pour finir la note initiale de « Et in terra pax hominibus ». Ensuite il accompagne le Gloria comme d’habitude avec une registration festive.

La similitude entre le Gloria du Jeudi Saint et celui de la Vigile Pascale a bien pour objet de marquer le début et la fin du Triduum Pascal.

A propos de l’éclairage lors de la Vigile Pascale : au cours du XXe s. s’est répandu l’usage de commencer la cérémonie dans l’obscurité absolue, ce qui n’est absolument pas demandé par les rubriques. Les chanteurs sont les mieux placés pour savoir que cette pratique est infondée, puisqu’elle empêche de lire les partitions (!). L’usage exact consiste à user d’un éclairage minimaliste permettant d’utiliser les livres, mais le plus modéré possible pour que la soudaineté de l’illumination de l’Eglise garde tout son sens.